La mafia et le football, un article édifiant du site Blast


Jeudi 9 Février 2023

L'on sait tout cela, certes, mais lorsque on le redécouvre à la lecture d'un reportage d'une telle qualité, cela fait froid au dos. A lire et pour quoi pas, ensuite, à encourager ce site d'information indépendant, ainsi qu'une web TV lancée par le journaliste d'investigation Denis Robert sous la forme d'une société coopérative d'intérêt collectif et financée par le biais du financement participatif. En s'y abonnant.


Ajaccio : Le foot flingué par la mafia

En liquidation, le Gazélec football club Ajaccio (GFCA) n’est pas au bout de son chemin de croix judiciaire : ce mercredi 8 février, trois anciens présidents de cet ex-pensionnaire de L1 comparaissent devant le tribunal correctionnel de Marseille. Yohann Carta, son dernier repreneur, dort lui en prison depuis novembre dernier. Présenté comme apporteur d’affaires du Petit bar - un clan qui fait régner la terreur sur la cité impériale -, il est mis en cause dans un dossier d’association de malfaiteurs et d’extorsion. Les brumes mafieuses qui polluent ce club historique depuis deux décennies ont-elles fini, dans un remake du baiser de la mort, de l’engloutir ?

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Un club en difficulté dont la situation financière est aggravée par la pandémie de covid 19 ; des dirigeants qui oublient de déclarer une partie des salaires des joueurs à l’Urssaf, espérant conserver une équipe compétitive ; un directeur sportif dont le licenciement n’empêche pas de percevoir des indemnités de logement, ni de poursuivre son activité…

Le dossier sur lequel se penche la 6ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille mercredi et jeudi semble d’une triste banalité. Même les sommes dissimulées (ou détournées) paraissent dérisoires au temps du foot business sous perfusion qatarie ou émiratie, et ses centaines de millions d’euros de transfert. Dans le détail : 1 153 113, 57 euros de rémunérations déguisées en indemnités kilométriques et autres frais pour l’effectif entre 2018 et 2021 engendrant un préjudice de 324 420, 07 euros pour l’Urssaf ; 31 000 euros d’indemnités logement versées malgré la fin d’un contrat ; l’usage abusif d’un IPAD et d’une Audi Q3 par un ancien manager…

 

Un contexte

 

 

S’il pourrait passer inaperçu dans le flot des petites ou moyennes escroqueries que la justice doit arbitrer, l’ambiance autour de ce procès est pourtant particulière. Parce qu’il concerne une institution, en premier lieu : le Gazélec Ajaccio, monument d’une île mordue de ballon rond où on a compté ces dernières années pas moins de quatre clubs professionnels (avec l’ACA, l’autre club d’Ajaccio, et au nord de l’île le CAB et le SCB, avec sa légendaire finale européenne de 1978) pour une population à peine équivalente à deux ou trois arrondissements de Paris. Une institution à l’histoire centenaire, extrêmement populaire dans la cité impériale et dont les supporters chantent les faits d’armes, des « 4 glorieuses » des années 60, quand le club fut quatre fois champions de France amateur, jusqu’à la récente épopée qui vit le « Gaz » rejoindre l’élite et la Ligue 1 lors de la saison 2015-2016. Depuis, entre rétrogradations sportives et financières, l’équipe a dévalé les échelons jusqu’en Nationale 3.

 
Grâce à l’OL et au PSG
 

Brutale, cette dégringolade sportive a entraîné la perte du statut professionnel conjuguée à des recettes en berne, que ce soit pour les droits télévisés, la billetterie, le sponsoring ou les subventions. Au point de plonger le club dans une situation économique si désastreuse que ses dirigeants ont du faire l’aumône pendant la pandémie de covid. Deux grands clubs français ont ainsi versé 450 000 euros sur ses comptes. « Si le club est encore en vie, c’est grâce à cette aide du PSG et de l’OL », a assuré Mathieu Messina, l’un des anciens présidents poursuivis lors de sa première garde-à-vue, le 19 octobre 2021.

« Nous sommes sur un club qui fait suite à 4 descentes consécutives, plus on descend et plus les budgets diminuent, la situation administrative qui était déjà compliquée avec le statut professionnel s’est empirée », résume de son côté un salarié aux enquêteurs.

 
Une vue des gradins du stade de Mezzavia Ange Casanova.
Image GFCA
 

La justice reproche aux dirigeants des acrobaties comptables peu orthodoxes. Chacun sous leur mandat, Olivier Miniconi, Christophe Ettori et Mathieu Messina ont payé aux joueurs et entraîneurs de l’effectif des compléments de salaires sous forme de notes de frais non contrôlés, d’indemnités kilométriques et d’aides au logement. Sans aucune justification ni déclaration à l’Urssaf. En langage juridique, on parle de soustraction intentionnelle aux obligations déclaratives et de travail dissimulé.

« Ces pratiques ont toujours été faites dans le but d’alléger les charges sociales du club, reconnaît Christophe Ettori, lors de son audition du 19 octobre 2021. Ce sont des pratiques anciennes que la situation financière du club a fait perdurer. Nous avons la volonté de faire changer les choses ».

 

 

Ettori, pilier en transition

 

 

 

Tour à tour directeur sportif, président et... licencié, Christophe Ettori bénéficiera même de 1 300 euros par mois après avoir quitté le club, d’une voiture et d’un Ipad. Des avantages versés et perçus comme un rattrapage pour services rendus.

 
Christophe Ettori, le pilier du club ajaccien. Un homme aux amitiés qui engagent...
Image GFCA
 

 

« C’est le pilier du club, narre Mathieu Messina aux enquêteurs. Il y a été joueur professionnel. Il a été dirigeant de l’association dont il a pris la présidence au décès de Fanfan Taglioli. Christophe, il m’a expliqué que lorsque le club était en Ligue 1 et en ligue 2, il était sous-payé, ce qui est vrai et que en contrepartie il demandait à garder certains avantages suite à son licenciement. » Une explication complétée par l’intéressé lors de sa garde-à-vue : « J’ai poursuivi mon activité bénévolement, complète l’indispensable Ettori, c’est pourquoi on m’a laissé ces avantages. De surcroît, il s’agissait également que le club m’accompagne financièrement dans cette période de transition. » 

 
Le tableau récapitulatif de l’abus de bien social reproché à Christophe Ettori, établi par l’enquête préliminaire. Document Blast.
 

Un club légendaire corse en difficulté, des dirigeants qui se débattent pour le renflouer, quitte à jouer avec les règles et la loi et s’accorder des avantages indus.... La triste chronique d’une institution en perdition ? Non, plutôt un dernier soubresaut dans la ténébreuse spirale qui enserre l’équipe corse depuis presque deux décennies. Et l’exemple édifiant du mal qui ronge l’île de Beauté et gangrène les institutions, même sportives. La pénétration mafieuse.

 

 

La légende noire du Gazélec

 

 

Trois dirigeants historiques du Gazélec ont été assassinés dans des règlements de compte criminels. Surnommé « Bob l’Africain », Robert Feliciaggi a passé sa vie sur le continent noir, entre le Congo-Brazzaville et le Gabon. Proche des réseaux de Charles Pasqua et élu DVD à l’assemblée de Corse, Bob Féliciaggi a amassé une fortune colossale dans les jeux d’argent, pour en investir une petite partie dans le Gazélec au début des années 2000. Le bienfaiteur du Gaz sera abattu de deux balles dans la tête sur le parking de l’aéroport Napoléon Bonaparte en 2006. Sa mort n’a jamais été élucidée.

Cousin et héritier putatif du parrain de la Corse-du-Sud Jean-Jérôme Colonna, décédé en 2006, Jean-Claude Colonna est victime d’un guet-apens en 2008. Le vice-président du Gaz rentrait du stade Ange Casanova, l’arène du club. 

 
Le 16 juin 2008, Jean-Claude Colonna, viticulteur et parent du parrain Jean-Jé Colonna, est tué sur une route de la commune de Pietrosella, en Corse-du-Sud.
Image France 3 Corse
 

Trois semaines plus tard, Ange-Marie Michelosi, considéré comme le bras droit de feu « Jean-Jé », meurt à son tour sous les balles d’un commando, toujours sur la route du stade. Sa photo, cigare en main et grand sourire, a longtemps trôné dans les bureaux du Gazélec alors qu’une pancarte « Sempre cù noi Jean-Claude è Ange-Marie » (« Jean-Claude et Ange-Marie à jamais avec nous ») accueillait joueurs locaux et visiteurs près du tunnel d’entrée du stade. Une page sombre et chargée de l’histoire du club qui n’a jamais été vraiment tournée.

 
Le 1er mars 2013, l’entrée des joueurs du match de L2 GFCA / AS Monaco, sous le parrainage in memoria de Jean-Claude Colonna et Ange-Marie Michelosi...
Image LFP
 

L’instruction qui vaut aux dirigeants du Gazélec de comparaître à la barre a été menée par la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille (JIRS). Une juridiction en pointe dans la lutte contre le crime organisé, dont les magistrats n’ont de cesse depuis de nombreuses années de dénoncer la dérive mafieuse de l’île. C’est précisément au détour d’une enquête de la JIRS sur le groupe criminel le plus puissant d’Ajaccio que les enquêteurs ont découvert les malversations au Gazélec, ouvrant l’enquête préliminaire qui mène au procès de ces 8 et 9 février : la bande du Petit Bar.

 

Les longues tournées du Petit Bar

 

 

Ce groupe constitué d'amis d’enfance, soudés autour de son chef Jacques Santoni, coincé dans une chaise roulante depuis un accident de moto en 2003, tient son nom d’un estaminet aujourd’hui disparu du cours Napoléon. Au cœur de la cité impériale. Condamnés pour assassinats, trafic de stupéfiants, extorsion, son noyau dur est désormais sous le coup de procédures pour blanchiment. La justice s’intéresse à des flux de plus de 50 millions d’euros qui alimentaient le train de vie luxueux de ses membres, dont les amitiés intéressées dans le BTP, la restauration et le football ont été démontrées, comme assumées. Et certaines mènent droit au Gazélec.

Soupçonné d’avoir supporté financièrement le groupe et coactionnaire du club jusqu’en 2022, Antony Perrino n’a jamais caché ses amitiés avec Jacques Santoni ou avec son fidèle lieutenant Pascal Porri. L’homme d’affaires, ancien PDG du quotidien Corse-Matin et patron de la fédération du BTP corse, a passé 9 mois en détention préventive en 2021 pour blanchiment organisé. Il vit désormais sous contrôle judiciaire.

 

Frère de Mickaël Ettori, l’un des piliers du Petit Bar, Christophe Ettori a été interrogé à de nombreuses reprises par les services de justice pour décortiquer ses relations, familiales comme amicales. L’ancien joueur a même été condamné à 5 ans d’emprisonnement avec sursis par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône en 2018. Il avait loué l’appartement dans lequel le groupe a planifié l’assassinat d’Antoine Nivaggioni, un rival redouté abattu en plein cœur de la ville au terme d’une spectaculaire opération de type militaire… et l’un des anciens dirigeants de l’autre club de la préfecture de Corse-du-sud, l’Athletic Club Ajaccio (ACA). Le club dont Alain Orsoni, ex-leader des vitrines légales et clandestines du nationalisme corse, est la grande figure.

 
En décembre 2012, Le magazine du Monde consacre sa une au « Roman maudit d’Alain Orsoni ».
Image Le Monde
 

Depuis de longues années, le Petit Bar et le clan Orsoni - ses membres ont autrefois été alliés, au temps où les nationalistes corses déchirés entre plusieurs factions étaient engagés dans une sanglante vendetta fratricide - se livrent une guerre sans fin. Où les cadavres répondent aux cadavres. Parmi ceux-là, les assassinats dans une station-service en 2012 de l’ancien bâtonnier Antoine Sollacaro, avocat de l’ACA et ami historique d’Orsoni (un meurtre que les enquêteurs attribuent aux membres du Petit Bar et pour lequel le frère de Christophe Ettori est renvoyé aux assises), ou encore celui du président de la chambre de commerce Jacques Nacer, administrateur et secrétaire général du même club, tué la même année devant un de ses commerces du centre d’Ajaccio.

 
Le 19 octobre 2012, devant l’église de Propriano, lors des obsèques de Me Sollacaro, assassiné trois jours plut tôt dans une station-service à Ajaccio par deux tueurs à moto.
Image BMFTV
 

Les policiers ont aussi déjoué en 2008 un projet d’assassinat contre Alain Orsoni, en interpellant à la fin d’un match plusieurs membres du Petit bar qui s’étaient disposés pour frapper. Ils seront condamnés en 2011 sans que la cible, Alain Orsoni, ne se porte partie civile…

 
En 2015, Alain Orsoni, son fil Guy et leurs amis comparaissent devant la cour d’assises d’Aix-en-Provence au sujet d’une série d’assassinats qui ont frappé les membres du Petit bar. Les prévenus seront finalement acquittés. Parmi les ténors du barreau mobilisés, on relève la présence de Me Dupont-Moretti, futur ministre, et du fils du bâtonnier Antoine Sollacaro, assassiné trois ans plus tôt à Ajaccio.
 

Patron de boulangeries, Olivier Miniconi, président du GFCA quand il était encore pensionnaire de L1, a également été placé en garde-à-vue pour avoir fourni un certificat d’employeur à Mickaël Ettori, en appui à l’un de ses nombreuses demandes de libération conditionnelle. Interrogé par Le Journal du dimanche en 2016 sur le fait que la première occurrence sur Google concernant son club renvoyait au Petit bar, Miniconi avait évacué le sujet à sa façon : « J’ai été en classe aussi bien avec des gens qui ont fait de la prison, qu’avec quelqu’un qui est devenu ambassadeur. Ajaccio est un village, tout le monde se connaît. On vous demande un service, en l’occurrence faire travailler quelqu’un à la boulangerie, vous le rendez. Mais ça s’arrête là ».

 

 

Les faits sont pourtant bien là. Alors, lointains héritiers des Colonna et Michelosi, les membres Petit Bar considèrent-il le Gazélec comme leur propriété ? Un du et une chasse-gardée que seuls des intimes ou des affiliés qui ont fait allégeance peuvent approcher ? Ce n’est certes pas l’objet du procès de cette semaine. Mais l’enquête sur les malversations au Gazélec est tellement truffée de références à l’influence du groupe mafieux que la question est toute légitime. A peine s’est-elle achevée qu’une autre a d’ailleurs vu le jour…

 

 

Le coup de force

 

A l’été 2022, un homme fait la une de Corse Matin. Johann Carta se présente comme le nouveau propriétaire du club. « Je veux que le GFCA soit une référence au niveau social, éducatif et au niveau sportif. Il faut que le GFCA soit un acteur majeur de l'inclusion sociale », clame en toute simplicité le restaurateur lors de sa conférence de presse du 14 juilletCeux qui connaissent son parcours, lui qui s’était signalé une décennie plus tôt pour avoir menacé un caméraman et un contrôleur de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) qui entendait appliquer la loi littorale à la paillote en vogue qu’il tenait dans la baie d’Ajaccio, ont eu l’impression de s’étrangler.

« On repart d'une page blanche, complétait le nouvel homme fort. L'objectif est de remettre sur les rails, une structure qui est sortie de la route. Le GFCA a marqué le football français, il fait partie du patrimoine ajaccien et corse. Il doit retrouver son ADN car c'est un club emblématique». Un volontarisme largement salué par la presse et les supporters du club, d’autant que l’aspirant tycoon assure alors être en négociation avec des investisseurs britanniques, prêts à investir des millions d’euros. Des promesses d’un futur à nouveau radieux pour Mezzavia, l’antre du Gazelec, qui se fracasse moins de quatre mois plus tard.

 
Je lui casse la tête
 

Placé en garde à vue en novembre 2022, mis en examen et incarcéré pour extorsion, blanchiment et association de malfaiteurs, l’audacieux néo-patron du Gazélec aurait un peu forcé sa nomination… en menaçant les anciens administrateurs. « Enculé (sic) notoire », « petit pédé (re-sic) » et autres joyeusetés entendaient-ils chanter à leur téléphone.

 
Retranscriptions d’écoutes des conversations de Johann Carta versées au dossier de l’information judiciaire ouverte par la JIRS de Marseille pour escroquerie, blanchiment et extorsion en bande organisée.
Documents Blast
 

 

Un vocable que Carta justifie devant les enquêteurs par sa personnalité entière, lors de son audition du 22 novembre. « Si on ne me manque pas de respect, tout se passe bien, analyse-t-il. Par contre, si on traite ma mère de pute (sic), je ne vais pas m'asseoir avec lui et commencer à discuter pour lui expliquer que ma mère n'est pas un tapin. Je lui casse la tête et il rentre chez lui ».

 
Johann Carta, autoproclamé et éphémère président du GFCA.
Image compte Linkedin Johann Carta
 

Les PV d’assemblée générale de son rachat ressemblent à des faux grossiers, selon les policiers. Certains sont antidatés, d’autres non signés et surtout tous sont postérieurs au mois de juillet 2022, date de sa prise de pouvoir effective et de sa mainmise sur les finances du club. Les enquêteurs ne manquent pas de s’étonner que l’impétrant ait aussi facilement pu mettre la main sur les comptes en banque ou que la Fédération française de football n’ait pas tiqué quand il s’est présenté comme le boss du Gaz… sans justifier d’aucun document. Des méthodes expéditives dont Carta se cache à peine pendant sa garde-à-vue.

 
Un président en cours de constitution
 

« J’étais un président en cours de constitution », balaie l’ancien paillotier lors de son interrogatoire. « Dès que je suis arrivé je me suis rendu sur place pour un état des lieux, pour rencontrer le staff de l'époque, les bénévoles et certaines personnes de l'association pour leur dire que j'allais reprendre. Je leur ai expliqué les grandes lignes du projet et j'ai fait comprendre très très rapidement aux personnes présentes et de la direction administrative et de l'équipe en général qu'elles n'allaient pas rester ».

Une attitude qui a pu donner « l’impression d’un coup de force », souffle Mathieu Messina, l’ancien président désabusé, à nouveau auditionné dans ce dossier. « Mon projet était d'assainir le club. Rien de tout ça n'a été fait. J'ai juste hâte d'en finir avec le GAZELEC.» Au passage, l’adjoint aux finances de la mairie de Menton (Alpes-Maritimes, où il est par ailleurs PDG des ports de la commune) assure « n’avoir rien à voir avec ces implications mafieuses ».

 
Mathieu Messina et Christophe Ettori, lors d’une conférence de presse en janvier 2020. A l’époque président du club, le premier ne veut aujourd’hui plus en entendre parler, ni de ses « implications mafieuses »…
Image GFCA
 
Main basse sur le Gazélec
 

Encore une fois, dans ce dossier aussi, la piste judiciaire mène à l’emprise du Petit Bar. Intime de Mickael Ettori et Pascal Porri - « je suis inexistant dans le Petit Bar sauf en amitié. Nous ne parlons pas des affaires ni de notre vie privée », se défend-il en garde à vue -, Johann Carta est souvent présenté comme le « financier » de la bande. Mis en examen dans un autre dossier pour avoir averti ses amis de leurs arrestations prochaines et faciliter leur cavale, Carta s’est vu interdire de poser le pied sur le territoire corse. Un contrôle judiciaire allégé en juin 2022. « Je suis arrivé courant juillet 2022 en Corse, car jusqu'alors j'étais interdit car placé sous contrôle judiciaire. A partir de là, j'avais déjà pris la décision de récupérer l'entreprise GFCA », précise-t-il doctement aux policiers.

 
Le 5 novembre 2022, le vestiaire ajaccien et son président du moment fêtent une victoire. Un rare moment de joie pour une saison bien triste.
Image GFCA
 

Cet empressement à sauver l’institution au mépris des règles administratives est interprété d’une toute autre façon par le parquet de la JIRS dans son réquisitoire de placement en détention du 28 novembre. « Johann CARTA, individu connu défavorablement des services de police et de l'autorité́ judiciaire pour des faits notamment de nature violente et suspecté de proximité́ avec la bande criminelle dite du « Petit Bar », tentait de faire main basse sur le GFCA ».

 

 

L’épitaphe d’une triste fin

 

 

Entendu comme simple témoin par la justice en septembre 2021, le mystérieux investisseur britannique, en fait une vieille et richissime héritière galloise, s’est retiré des négociations. « J'ai été alertée par mon avocate suite aux échanges que j'ai eus avec M.CARTA qu'une enquête avait déjà été menée sur ce club, a-t-elle expliqué à son tour. Mes amis m'ont par ailleurs alertée sur la présence de la mafia en Corse. » Un retrait visiblement mal vécu par l’aspirant propriétaire. « M. Carta s’est montré très mécontent et insultant », précisera encore celle qui a failli devenir mécène du club.

 

 

Financièrement exsangue, administrativement décapité, ciblé de toute part par la justice pénale pour sa porosité avec le monde criminel, le Gazélec football club d’Ajaccio a donc été placé en liquidation judiciaire le 30 janvier par le tribunal de commerce d’Ajaccio. Une décision qui sonne comme l’hallali pour avoir fermé les yeux et accepté de fait de blanchir le crime, au nom de la passion (du football).

 

 

Avec le crépuscule du Gaz, c’est l’impact létal des pénétrations mafieuses dénoncées par quelques voix dans l’île qui se précise. Cruellement. Une lente agonie et une fable à méditer non seulement dans (et pour) l’île de Beauté, mais pour tout un pays qui refuse encore de regarder la réalité en face. Et reconnaître l’existence d’une mafia sur son sol.

 
 
La fiche du Petit bar établie par le Sirasco / Ministère de l'Intérieur, sur les équipes criminelles corses. (Mars 2022). Document Blast.
 
 



le Jeudi 9 Février 2023 à 07:57 | Lu 5688 fois